Vous lisez cet article parce qu’on vous a parlé de l’article 640 du Code civil. Votre voisin invoque cet article vieux de 200 ans pour justifier que son eau coule chez vous. Ou l’inverse : vous pensez avoir tous les droits d’écoulement. Pas si vite.
La réglementation a évolué entre 2000 et 2015. L’obligation de gérer les eaux pluviales à la parcelle change beaucoup de choses. Objectif désormais : « zéro rejet ». Aucune eau ne doit sortir de votre terrain. Cette nouvelle règle renforce les obligations de l’article 640 et multiplie les risques de conflits entre voisins.

Article 640 : une règle simple… en apparence
L’article 640 du Code civil établit une servitude naturelle d’écoulement des eaux. Le principe : « Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué. »
Deux propriétés sont concernées : le fonds supérieur (ou dominant, situé en amont) et le fonds inférieur (ou servant, situé en aval).
Vous détenez le fonds inférieur ? Vous devez accepter l’écoulement naturel des eaux pluviales venant de la parcelle au-dessus. Vous ne pouvez pas ériger de digue pour bloquer cet écoulement.
Vous détenez le fonds supérieur ? Vous bénéficiez du droit de laisser s’écouler vos eaux naturellement. Mais attention : l’alinéa 3 de l’article 640 est clair. « Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »

Qu’est-ce qui aggrave l’écoulement naturel ?
L’aggravation résulte de l’intervention de la main de l’homme. Surtout s’il sa main … a rendu la parcelle imperéméable. La jurisprudence confirme ce principe : un jugement du 23 juin 1993 (Bordeaux, Juris-Data n°1993-04-3630) et un autre du 8 janvier 1996 (Juris-Data n°1996-04-0103) ont établi que les travaux d’imperméabilisation aggravent la servitude. : les travaux d’imperméabilisation des sols aggravent la servitude. La modification du ruissellement aussi.
Exemples concrets d’aggravation :
- Construction d’une nouvelle maison sur le fonds supérieur
- Imperméabilisation d’un parking ou d’une terrasse
- Modification de la pente naturelle du terrain
- Installation de toitures qui concentrent l’écoulement
Un cas jugé par Grenoble le 13 janvier 2004 : la modification d’activités agricoles créant une surface plane a aggravé le ruissellement. Le propriétaire supérieur a été condamné.
À retenir :
Question : Comment savoir si l’écoulement est naturel ou aggravé par l’homme ?
Réponse : L’écoulement naturel résulte de la topographie et des précipitations sans intervention humaine. Tout aménagement (drainage, toit, parking, imperméabilisation) est une modification qui peut aggraver la servitude.
Ce que les nouvelles obligations changent pour vous
Vous détenez le fonds supérieur ? La gestion à la parcelle vous oblige désormais à traiter vos eaux pluviales avant qu’elles ne s’écoulent chez votre voisin.
L’évolution réglementaire impose une Gestion Durable et Intégrée des Eaux Pluviales (GDIEP). L’objectif : infiltrer, stocker ou évaporer les eaux sur votre parcelle Trois facteurs ont rendu obsolète l’ancien modèle du « tout-tuyau » :
- L’imperméabilisation croissante des sols limite l’infiltration naturelle
- L’intensification des pluies torrentielles (changement climatique) surcharge les réseaux
- Le coût du renforcement des systèmes traditionnels explose pour les collectivités
Conséquence directe : si vous réalisez des aménagements (toiture, terrasse, parking), vous devez compenser par des ouvrages de rétention ou d’infiltration. Sinon, vous aggravez la servitude et vous êtes responsable selon l’article 641.
Le règlement d’assainissement ou le Plan Local d’Urbanisme (PLU) peut imposer des prescriptions précises : limitation de l’imperméabilisation, rétention, débits de rejet maximaux.
Vous détenez le fonds inférieur ? Vous devez toujours accepter l’écoulement naturel. Mais vos droits se renforcent si votre voisin aggrave la situation.
Selon l’article 641, « si l’usage des eaux ou la direction qui leur est donnée par le propriétaire supérieur aggrave la servitude naturelle d’écoulement établie par l’article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur. »
Vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour obtenir réparation. Une expertise judiciaire déterminera si l’écoulement a été aggravé et fixera les mesures correctrices.
En résumé :
Question : Que puis-je faire si mon voisin modifie le terrain et que l’eau ruisselle plus vers chez moi ?
Réponse : Vous pouvez demander une indemnisation selon l’article 641, car la servitude d’écoulement est aggravée par une intervention humaine. Le tribunal judiciaire tranche ces litiges.
Les solutions techniques existent
La gestion des eaux pluviales n’a rien d’impossible. Vous pouvez infiltrer la totalité des eaux sur votre terrain.
Vous détenez le fonds supérieur ? Plusieurs solutions s’offrent à vous :
- Revêtements perméables : bétons drainants, dalles alvéolées. Infiltration totale, bonne intégration.
- Noues et jardins de pluie : aménagements végétalisés pour stockage temporaire et infiltration. Coût faible, lutte contre les îlots de chaleur.
- Tranchées d’infiltration : ouvrages enterrés remplis de galets ou structures alvéolaires. Discrets, surface végétalisable.
- Toitures végétalisées : rétention de 40 à 80 % des eaux. Aucune emprise au sol, isolation thermique.
Le dimensionnement se calcule selon les surfaces imperméabilisées et les hauteurs de pluie de référence (exemple : 10 mm pour pluies courantes, 67 mm pour pluies vicennales).
Vous détenez le fonds inférieur ? Vous pouvez aussi traiter les eaux pluviales naturelles provenant de l’écoulement de la pente. Les mêmes techniques s’appliquent : infiltration, rétention, végétalisation.
Des aides financières couvrent jusqu’à 80 % du projet
Les Agences de l’Eau offrent des subventions importantes :
- Jusqu’à 80 % dans le bassin Seine-Normandie
- 50 % en Loire-Bretagne et Adour-Garonne
- Pour la déconnexion des réseaux, la désimperméabilisation, les solutions alternatives
Les aides nationales complètent :
- Subventions ANAH jusqu’à 55 % (revenus modestes)
- TVA réduite à 10 %
- Eco-PTZ
Des régions, départements et métropoles (Île-de-France, Hauts-de-Seine, Nantes Métropole) proposent des subventions locales cumulables.
Première étape indispensable : un test de perméabilité du sol (test Porchet, 500 à 1 200 €) ou une étude géotechnique complète (2 500 à 5 000 €). La faisabilité de l’infiltration dépend de la perméabilité du sol dans votre cas.
Passez à l’action : téléchargez le guide complet
Vous connaissez maintenant les principes de l’article 640 et l’impact des nouvelles réglementations. Mais comment dimensionner vos ouvrages ? Quelles solutions choisir selon votre budget et votre terrain ?
Notre Guide des eaux pluviales à la parcelle vous accompagne :
- Diagnostic de votre situation (test de perméabilité, contraintes)
- Calcul précis des volumes à gérer
- Comparatif détaillé des solutions techniques avec coûts
- Liste complète des aides financières par région
- Dossiers types pour demander les subventions
→ Téléchargez le Guide des eaux pluviales à la parcelle
Le guide contient également les références réglementaires actualisées.
📋 Questions fréquentes : vos droits et obligations décryptés
Tableau récapitulatif des situations courantes
| Question d’internaute | Réponse rapide |
|---|---|
| L’article 640 m’oblige-t-il à laisser passer l’eau de mon voisin si ça inonde chez moi ? | Oui, vous devez accepter l’écoulement naturel des eaux pluviales du fonds supérieur, sauf si cet écoulement a été aggravé artificiellement. |
| Mon voisin a modifié son terrain et l’eau ruisselle plus vers chez moi : que faire ? | Dans ce cas, vous pouvez demander une indemnisation selon l’article 641, car la servitude est aggravée par une intervention humaine. Saisissez le tribunal judiciaire. |
| Puis-je construire une digue pour empêcher l’eau de passer sur mon terrain ? | Non, l’article 640 interdit au propriétaire du fonds inférieur d’élever une digue qui empêcherait l’écoulement naturel. |
| Je suis responsable si je modifie mon terrain et que ça fait couler plus d’eau chez mon voisin ? | Oui, vous êtes responsable si votre aménagement aggrave la servitude naturelle et pouvez être condamné à indemniser le fonds inférieur. |
| Quelles mesures obligatoires pour gérer l’eau sur ma parcelle ? | Vous devez maîtriser les eaux pluviales pour éviter les ruissellements excessifs : bassin de rétention, infiltration, selon les règles du PLU. |
🏛️ Qui juge les conflits liés à l’article 640 ?
Les tribunaux judiciaires (anciens tribunaux d’instance) tranchent ces litiges entre propriétaires privés. La jurisprudence récente tient compte de l’obligation de gestion à la parcelle, renforçant la responsabilité du propriétaire du fonds supérieur.
Une expertise judiciaire est souvent nécessaire pour :
- Déterminer si l’écoulement a été aggravé
- Mesurer les modifications du terrain
- Évaluer les dommages
- Proposer des solutions techniques
Coût moyen d’une expertise : 3 000 à 8 000 € (partagé selon la décision du juge).