Réduire les risques d’inondations ? Pour limiter les ruissellements, en cas d’épisodes de fortes pluies (et l’on sait qu’ils sont de plus en plus fréquents), il faut faire flèche de tout bois. Il faut mettre en œuvre tout ce qui est susceptible de retenir l’eau ou de la renvoyer dans l’atmosphère. Pour bien mesurer l’importance de cette dernière possibilité, il faut avoir en tête le cycle de l’eau et les volumes associés à chaque étape.
La réglementation sur l’évacuation des eaux de pluie nous donne des pistes, mais si l’on s’intéressait à l’évapotranspiration ?
Cycle de l’eau
Quand on observe le cycle de l’eau en France en se demandant d’où viennent les inondations, il y a quelque chose de frappant. Regardez le schéma ci-contre (source : rapport du Sénat)
La partie la plus importante de ce qui nous tombe sur la tête s’évapore !
Tout se passe d’ailleurs comme si elle s’évaporait tout autant dans l’atmosphère que dans la conscience que l’on a du phénomène.
On s’obsède à juste titre de ce qui s’infiltre dans le sol. On s’obsède encore plus de la partie qui ruisselle (et qui est responsable des inondations). Pourtant, elles n’ont rien de majoritaire !
Si l’on raisonne dans l’autre sens, on peut présenter les choses ainsi. Imaginez un quartier où l’on aurait atteint le fantasme absolu de l’artificialisation. Où l’eau de la pluie ne s’évaporerait plus du tout, grâce à l’absence totale de végétation, notamment.
Ce quartier verrait, à précipitation égale, 66% d’eau ruisseler en plus !
Bilan hydrique
Ce tableau réalisé par l’Université de Picardie Jules Verne précise encore les données. Il chiffre ce que l’on appelle l’évapotranspiration et confirme qu’elle correspond aux 3/5ème des précipitations.
Rappelons que l’évapotranspiration est l’eau restituée à l’atmosphère à la fois par l’évaporation directe et par la transpiration des plantes.
La question est donc évidente : même si ce schéma est un schéma global, lorsqu’on le ramène à ce qui se passe sur une parcelle donnée, ou dans un quartier donné, ne comporte-t-il pas en arrière-plan une solution naturelle évidente pour limiter les effets de la partie qui ruisselle et qui cause parfois tant de dégâts ?
Et si on jouait un peu plus sur l’évaporation et sur la transpiration des plantes ?
(Pour tout ce que l’on peut faire immédiatement sur la partie infiltration, autrement dit pour rendre perméable les sols)
Observons comment se passent les choses.
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Evapotranspiration : de quoi parle-t-on ?
De façon scientifique, l’évapotranspiration (ET) correspond à l’eau qui “s’envole sous forme de gouttelettes” depuis la surface vers l’atmosphère. On la définit par “la somme de l’évaporation directe de l’eau du sol et de la transpiration par les plantes”.
L’évapotranspiration est fonction de facteurs assez variés :
- En premier lieu, de l’ENERGIE SOLAIRE. Il faut 600 calories pour vaporiser 1 gramme d’eau liquide.
Plus on a de soleil et de chaleur, plus l’évapotranspiration est importante.
Elle varie donc selon l’heure de la journée, les saisons, la localisation, etc. Cela aura une influence pour les solutions à mettre en oeuvre : on n’agira pas de la même façon selon que l’on se trouve dans une région très ensoleillée ou pas. - Il n’y a pas que le soleil. Un facteur important joue également : la SECHERESSE DE L’AIR. Plus l’air sera sec, plus la quantité d’eau d’eau vaporisée dans l’atmosphère augmentera.
C’est ce que l’on appelle, en termes scientifiques, le gradient d’humidité. Même remarque que ci-dessus. On devra adapter la solution à la sécheresse moyenne de l’air et notamment au caractère venteux ou pas du climat concerné. - Dans la même logique, le ROLE DU VENT est en effet important. Le vent augmente la vaporisation de l’eau.
Enfin, il y a des facteurs spécifiquement liés aux plantes elles-mêmes. L’évapotranspiration ne sera pas la même selon les plantes concernées, leur taille et le niveau de leur croissance.
- Un facteur important est ainsi la SURFACE DES FEUILLES. Ceci est intéressant à noter: plus il y a de surface de feuilles, plus ces feuilles retiennent la pluie et ralentissent la chute de l’eau au sol, et plus ces feuilles vont, comme dans une partie de ping-pong, renvoyer ces gouttelettes dans l’atmosphère grâce à une évaporation immédiate.
- Enfin, tout dépendra des VARIETES qui se trouvent là. Les plantes ne régulent pas leur transpiration de la même façon. Elles ajustent pour cela leurs stomates (pores). De même, elles mettent en oeuvre des stratégies différentes face à la sécheresse (voir plus bas). Et cela peut se révéler très intéressant pour capter l’eau et l’évaporer avec retard.
Enfin les caractéristiques physico-chimique du sol qui jouent également.
Evapotranspiration : à la croisée de deux champs de recherche
De façon très logique, la recherche sur l’évapo-transpiration est à la croisée de deux mondes.
Le monde agricole d’une part pour qui l’enjeu est de mieux maîtriser la croissance des végétaux et leur production et, d’autre part, l’univers de l’hydrologie et de la géologie pour qui il s’agit de mieux maîtriser la gestion des nappes phréatiques et le dimensionnement des réseaux d’eaux pluviales.
Les objectifs sont parfois inverses : si les spécialistes du ruissellement en zone urbaine apprécieront qu’il y ait beaucoup d’évapotranspiration, l’agronome y verra lui un inconvénient, puisqu’on fait alors “travailler” la plante pour rien.
A la lecture des études et des recherches, les cultures d’origine de chaque auteur scientifique apparaît très nettement. Les types d’équations mis en oeuvre racontent un point de vue différent.
Cependant, la complexité du phénomène et le nombre de variables qui entrent en ligne de compte montrent qu’il y a dans ce sujet un enjeu de pluridisciplinarité majeur.
On voit cette pluridisciplinarité émerger ça et là dans certaines recherches fondamentales.
On la voit à l’oeuvre bien plus spécifiquement dans la recherche appliquée (notamment en France, au Cerema et au CSTB – voir par exemple ici ).
Evapotranspiration : où sont les pistes ?
Pour faire court, lorsqu’on étudie les axes de réflexions menées par ces spécialistes, on se rend compte qu’ils ouvrent finalement quatre pistes intéressantes pour optimiser l’évapotranspiration et contribuer ainsi à la maîtrise des inondations.
1. Planter des arbres.
Les arbres sont des “machines à évaporer”. Leur “job” consiste en effet à utiliser l’eau, le CO2 et l’énergie solaire pour fabriquer la matière première du bois.
Lors de l’ensemble des réactions chimiques qui vont aboutir à cette fabrication, les arbres rejettent dans l’air de l’oxygène et de l’eau. L’eau ainsi consommée permet la production de biomasse, à la différence d’un sol nu qui renvoie immédiatement l’eau vers le ciel.
Les arbres ont ainsi un effet régulateur. Ils “absorbent” une pluviométrie irrégulière pour envoyer par évapotranspiration une humidité régulière.
Mais ce n’est pas tout. Avec leurs racines, ils vont avoir un effet d’éponge. Ils vont ainsi permettre une diffusion lente de l’eau vers le sol. C’est mieux. Associés à des cultures, ils vont aider les cultures à remonter de l’eau des couches profondes pour les mettre à disposition.
Ainsi, les arbres jouent un rôle de grand frère protecteur et d’agent d’ambiance du paysage. Les liens entre arbres et plantes sont d’ailleurs au cœur d’une nouvelle discipline, l’agroforesterie, qui, à l’opposé de la tradition agricole ancienne, n’élimine pas les arbres pour consacrer plus de place à la surface cultivée, mais augmente les rendements en mettant précisément les arbres au service des plantes et des écosystèmes associés. La forêt aide le paysan.
Une approche écosystémique que l’on retrouve, avec d’autres objectifs bien sûr, dans les nouvelles visions d’aménagements urbains où l’arbre vient aussi aider le “pays”.
Il absorbe plus d’eau, en transpire donc d’autant plus et rafraîchit l’ambiance.
2. Recourir à des plantes sachant résister à la sécheresse
S’intéresser à la sécheresse lorsqu’on traite des inondations peut paraître paradoxal, mais justement !
Rien de pire que des trombes d’eau qui s’abattent sur un sol sec. On connaît bien le phénomène de saturation physique : le sol ne “boit” pas l’eau, tant il est asséché.
On le connaît moins pour les plantes qui survivent dans une telle ambiance où se succèdent des précipitations fortes et des périodes de sécheresse. Elles aussi doivent adapter la façon dont elles “boivent” en période d’excès.
Or les plantes qui vivent dans ces conditions (et l’on pense tout particulièrement aux écosystèmes méditerranéens où s’est développé la majorité de la biodiversité végétale) vont avoir des stratégies spécifiques par rapport à la sécheresse et aux précipitations soudaines.
Certaines ne vont pas trop nous intéresser : celles qui réduisent l’évapotranspiration de façon permanente pour conserver l’eau savent certes survivre à la pénurie, mais leur comportement est moins utile en période d’excès.
Certaines en revanche se comportent comme de véritables gestionnaires de la ressource en eau : elles savent stocker !
C’est le cas des plantes grasses ou succulentes (qui transforment l’eau qu’elles captent sous forme de suc). Elles se gorgent d’eau pour tenir et survivre, tels les sedums ou de nombreux cactus.
3. Augmenter la surface de feuillage
Autre stratégie tellement évidente qu’on pourrait l’oublier. Augmenter la surface du feuillage capable de retenir la pluie.
Plus les gouttes qui tombent se voient retenues par une feuille, puis une autre, puis encore une autre avant de finir sa course dans le collecteur d’égout, plus la proportion de ces gouttes retournant à l’envoyeur par évaporation immédiate ou évaporation retardée grâce à l’absorption-transpiration des plantes sera importante.
Des aménagements urbains où se cumulent de haut en bas toits végétalisés, terrasses végétalisées, parkings végétalisés, noues drainantes, et talus stabilisés, voient ainsi se multiplier les surfaces de végétaux captant les gouttes et optimisant l’évapotranspiration.
La première chose à faire donc pour limiter les inondations est de jouer précisément sur ce scénario consistant à opposer beaucoup plus de surface à la pluie, et beaucoup plus d’étapes avant de finir au sol, que lorsqu’il n’y a que deux étapes : la chute sur le toit puis l’arrivée au sol dans la rigole qui va vers le collecteur.
4. Faire attention au sol
Enfin, il faut faire attention au sol. C’est également là, en arrivant au sol, que l’eau de pluie, déjà passée par le feuillage des arbres ou des toitures et terrasses végétalisées qui lui ont donc donné plein d’occasions de repartir vers les cieux, peut à nouveau s’évaporer.
Et ceci tant que l’atmosphère n’est pas saturée en eau.
Il se produit alors un phénomène opposé. L’eau qui s’évapore peut faire remonter “par capillarité” de l’eau des zones plus profondes du sol. On parle de succion du sol (opposée donc à l’évaporation). Un jeu de forces contradictoires apparaît entre des forces de capillarité qui s’opposent au départ de l’eau et le système énergétique (soleil) qui pousse à l’évaporation.
Cette dernière sera différente selon que les pores du sol sont importants. La tension de succion sera très faible avec une crevasse dans le sol ou aux abords d’une galerie de vers de terre, elle sera très forte au “point de flétrissement” d’un végétal (quand on est près des racines d’un végétal qui a soif).
Au final, le scénario idéal est donc une pluie qui tombe sur un sol qui laisse s’évaporer un maximum d’eau et qui dispose juste de la succion nécessaire pour alimenter les plantes cultivées en surface, tout en laissant in fine l’eau en excès s’infiltrer le plus vite possible vers le bas.
Ce scénario se réalise parfaitement dans le système qui a été imaginé par ECOVEGETAL pour les parkings végétalisés, par exemple, où la structure minérale qui est mise en oeuvre entre les fondations et le substrat est conçue précisément pour permettre aux végétaux de capter et/ou évaporer l’eau qui leur est nécessaire tout en offrant un drainage maximal.